La caverne des légendes enneigées
Un conte groumpf, écrit et illustré par Natacha Rossignol
CONTE ET HISTORIETTE
Natacha Rossignol
10 min lire


Quand tous les groumpfs quittent le Pôle Nord pour leur grande mission de décembre, Grafinette trouve le village bien trop calme à son goût. Heureusement, Gratouille, son ami renne un brin maladroit, a découvert une mystérieuse grotte cachée sous une congère. Ni une ni deux, les voilà partis pour une aventure improvisée dans les profondeurs glacées.
Mais ce qu’ils vont y trouver dépasse tout ce qu’ils imaginaient : prêts à entrer dans la Caverne des Légendes Enneigées avec eux ?
La caverne légendaire du Pôle Nord
Le secret de la Fée des Monts Blancs
Grafinette soupira.
Que c’était calme, le Pôle Nord, quand tous les groumpfs n’étaient pas là…
Le Père Noël les avait presque tous envoyés chez les humains pour le mois de décembre, et elle faisait partie de ceux qui étaient restés dans le froid polaire pour s’occuper de la fabrique de jouets…
Comme à chaque fois qu’elle avait le moral dans les boots, elle alla voir son fidèle ami : Gratouille le renne.
Elle le trouva en train de gratter le sol pour trouver quelque chose à manger.
Il leva la tête en voyant la groumpfette arriver, son bonnet gigotant à chacun de ses pas.
« Ben alors, ma Grafinette, c’est quoi cette mine toute tristounette que tu as là ? »
« Je m’ennuie, mon bon Gratouille. Tous mes amis sont partis en mission et moi, j’ai été choisie pour rester… » fit-elle en gémissant.
« J’ai peut-être une idée », répondit malicieusement Gratouille.
Grafinette sautilla sur place, tapant ses pattes l’une contre l’autre.
« Oh, dis-moi vite ton idée, Gratouille ! »
« Eh bien, figure-toi que la dernière fois que je cherchais du lichen dans le blizzard, j’ai découvert l’entrée d’une grotte mystérieuse. Il était déjà tard, alors je ne l’ai pas vraiment explorée. Si tu veux, je t’y emmène et on va voir ça tous les deux ! »
Les yeux de Grafinette s’arrondirent d’envie et de joie.
Ils partirent donc sur-le-champ, sans perdre une seconde de plus.
La neige tombait doucement, silencieusement. Il n’y avait pas de vent ce jour-là, et leurs pas dans la neige faisaient un bruit si doux qu’on aurait pu croire qu’ils marchaient dans une meringue pas cuite.
En chemin, ils discutèrent de choses et d’autres, comme les bons vieux amis qu’ils étaient. Ils riaient, s’esclaffaient, brisant le silence polaire d’un éclat joyeux et pétillant.
« C’est ici », murmura soudain Gratouille en désignant de ses bois la fissure d’une congère assez grande pour laisser passer un gros animal poilu.
Grafinette avait le cœur qui battait la chamade. Un peu plus, et une goutte de sueur lui aurait coulé du bonnet tant elle était excitée.
« Passe en premier », ordonna courageusement Grafinette en poussant Gratouille du bout des pattes.
Le renne, un sourire tendre aux lèvres, entra dans la fissure, suivi — courageusement toujours — par la groumpfette.
Ils marchèrent quelques instants avec la lumière de dehors, puis un peu dans le noir. Gratouille crut entendre, par-dessus leurs pas, le son d’un cœur qui battait très, très, très vite, mais il ne fit aucun commentaire.
Soudain, le renne aperçut une lueur devant lui, de plus en plus brillante. Il continua d’avancer, guidé par cette lueur bleutée, et arriva dans une caverne éblouissante de grandeur et de beauté.
Il entendit le « Wouhaaaaa » de Grafinette, éblouie par la découverte si inattendue, qui se répercuta en écho sur tous les murs immenses et glacés du lieu.
La caverne était éclairée d’une belle lumière blanche et bleue. Tout était de glace et de neige, de cristaux et de scintillements. Seuls des champignons bleus et brillants apportaient une note organique au lieu.
Le moindre son était amplifié, et il régnait une odeur étonnante de mousse et de forêt humide dans ce décor pourtant givré.
Tous les murs de la caverne étaient décorés de dessins par centaines, grattés dans la glace. Cela semblait créer une scène épique dont il était difficile d’identifier le début ou la fin.
Gratouille et Grafinette restèrent quelques instants à l’orée de cet endroit féérique, la bouche ouverte, les yeux ronds, le poil dressé par la beauté du lieu.
Puis, Grafinette brisa le silence presque sacré :
« Mais c’est quoi, cet endroit ? »
« Je l’ignore, mais une chose est sûre, ma Grafinette : on a fait une belle découverte, toi et moi, parole de bois ! »
Ils partirent chacun d’un côté de la caverne, admirant les dessins gravés dans les parois givrées, le son doux de leurs pattes se faisant écho l’un à l’autre.
Au bout de quelques instants, Gratouille s’exclama en riant :
« Viens voir, Grafinette, on dirait toi ! »
La groumpfette courut rejoindre son ami, mais, dans un élan d’enthousiasme, elle glissa sur le sol glacé, puis atterrit la tête la première dans un champignon bleu qui se trouvait au pied du renne.
Elle souleva la tête, le bonnet de travers, les poils remplis de spores bleutés et scintillants :
« Oups », fit-elle, mais d’une voix qui n’était pas la sienne. Une voix étrangement, magiquement aiguë et si rigolote que Gratouille explosa de rire.
Il rit si fort qu’il en tomba, assis.
Il rit si fort qu’il en pleura.
Il rit si fort que sa tête, qu’il ne maîtrisait plus, tomba à son tour dans une touffe de champignons.
Il éternua, dans un nuage bleu, et ce fut au tour de Grafinette de rire aux éclats.
Désormais « contaminé » par les champignons, le rire de Gratouille, qui ne s’était toujours pas éteint — bien au contraire —, était lui aussi devenu particulièrement aigu.
Ils mirent au moins cinq minutes à se calmer, n’en pouvant plus de rire, ayant un mal de ventre digne du plus beau fou rire du Pôle Nord.
Puis, essuyant leurs larmes, leurs nez, reprenant leur esprit — et leurs voix —, ils se tournèrent vers la paroi.
« Regarde, là, on dirait un groumpf, tu ne trouves pas ? »
« Oh, oui ! Tu as raison, et là, regarde, il y en a d’autres ! »
La paroi était, en effet, remplie de groumpfs et de groumpfettes de partout, dessinés dans toutes les postures : de dos, de face, de côté, la tête en bas, couchés, assis…
« Mais ça veut dire quoi, tout ça, tu crois ? » demanda Grafinette, soudainement un peu perdue par tout cet art rupestre.
« Ben… »
Gratouille fut interrompu par un petit flap, flap, flap, discret mais bien discernable.
Ils tournèrent tous les deux la tête en direction du bruit.
Ils virent alors une petite boule de poils toute blanche, voletant grâce à ses grandes ailes bleues étincelantes.
« Oh ! Une niflounette ! » s’exclama Gratouille dans un grand sourire joyeux.
« Une quoi ? » interrogea Grafinette, les sourcils presque aussi hauts que les murs de la caverne.
« Une ni-flou-nette. C’est une chauve-souris polaire. Ce sont des créatures adorables », expliqua le renne. « C’est rare d’en voir, nous avons de la chance ! Celle-ci a dû élire domicile dans ce lieu. Je la comprends, on s’y sent vraiment bien dans cette caverne », déclara Gratouille en jetant un regard autour de lui, de la buée sortant de ses naseaux.
La groumpfette ôta son bonnet et fit une révérence royale en disant gaiement :
« Bonjour, Niflounette ! Ravie de faire ta connaissance ! »
Gratouille rit, la tête sur le côté :
« Hihi, par contre, elles ne parlent ni le groumpf ni le renne ! »
« Ah, zut ! »
« Mais elles nous comprennent, je crois. N’est-ce pas ? » demanda-t-il à la jolie chauve-souris.
La petite créature volante fit un « oui » de la tête, ses deux oreilles basculant d’avant en arrière de manière absolument adorable.
Grafinette et Gratouille fondirent de tant de mignonnerie dans un « Maaaawh » à l’unisson.
Puis la groumpfette demanda à la niflounette :
« Tu comprends quelque chose, toi, à tous ces dessins ? »
Basculement de tête et d’oreilles.
« Tu pourrais nous montrer où l’histoire commence ? On est un peu perdus, nous ! »
Elle voleta à l’autre bout de la caverne et indiqua, d’un tui tui tui trop choupinou, une petite scène aux deux amis qui l’avaient suivie en trottinant.
Ils observèrent les dessins un court instant, puis suivirent de nouveau la niflounette qui était déjà repartie en longeant la paroi dans le sens inverse des aiguilles d’une montre polaire.
Revenus au point de départ, Grafinette se gratta le bonnet et Gratouille avait la tête concentrée.
« Bon, alors si on résume : on a vu des groumpfs, on a vu une silhouette encapuchonnée mystérieuse, et on a vu un barbu… On n’est pas plus avancés, je crois ! » bouda la groumpfette.
« Je dois bien avouer, » souffla le renne, « que c’est un peu flou tout ça. »
« Et si on allait demander au Père Noël ? » s’exclama Grafinette.
Tui, tui, tui, basculement de tête et d’oreilles.
La niflounette semblait trouver cette idée lumineuse.
« Alors, allons-y ! » dit Gratouille dans un élan de joie et d’émerveillement.
Ils sortirent de la caverne et comprirent que la petite créature allait les suivre jusqu’au village.
Le chemin de retour fut rempli de théories et d’essais d’interprétation des dessins de la part des deux amis, ponctués par des groui groui groui de la niflounette — cela devait être son rire.
Arrivés à l’entrée du village, ils virent de loin le groumpf en chef, Kraknor, pelleter la neige tombée du toit de la fabrique du Père Noël.
Grafinette le héla :
« Ohé, votre floconnerie ! »
Kraknor leva son regard surmonté de ses sourcils broussailleux.
« Grafinette, et ce cher Gratouille ! Que manigancez-vous, vous deux ? Et d’où avez-vous ramené cette boule de poils volante ? »
« Il s’agit d’une ni-flou-nette », répondit Grafinette en bombant le torse de fierté, tandis que Gratouille souriait tendrement en regardant la petite groumpfette, le bonnet bien droit.
« C’est une chauve-souris polaire qui vit dans des cavernes magiques », précisa-t-elle, toujours aussi fière.
Kraknor répondit distraitement : « D’accord, d’accord. »
« Savez-vous où on peut trouver le Père Noël, votre floconnerie ? » lui demanda la groumpfette impatiente.
« Dans son bureau. » Il reprit son pelletage, la tête ailleurs, gronchonnant un peu.
Ils entrèrent dans la fabrique, toujours suivis de la « boule de poils volante », et montèrent les escaliers pour rejoindre le bureau du Père Noël.
Toc, toc, toc.
Ils entendirent un « entrez » chaud, grave, enrobant, comme un chocolat chaud à la cannelle en plein mois de février.
« Bonjour, Père Noël », déclara cérémonieusement Gratouille.
« Re-bonjour, Père Noël ! On a découvert quelque chose d’incroyable, de formidable, de… »
Grafinette interrompit sa déclaration, qui semblait glisser aussi vite que sur une piste noire.
La niflounette avait voleté jusqu’au Père Noël et pépiotait désormais joyeusement au-dessus de son bonnet.
Ce dernier la regardait avec un doux sourire dans la barbe, les yeux pétillants, comme si des larmes s’y étaient subrepticement glissées.
« Bonjour à toi aussi, ma chère Étincelle, et bonjour à vous deux, mes chers amis. Que me vaut l’honneur de votre visite impromptue ? »
« Mais… vous la connaissez, Père Noël ? » demandèrent en chœur Gratouille et Grafinette.
« Bien sûr ! Je connais toutes les créatures qui vivent dans notre cher Pôle Nord, voyons ! » répondit-il en riant.
« On l’a rencontrée dans une caverne, figurez-vous ! »
« Oui, la Caverne des Légendes Enneigées. »
« Comment le savez-vous ? » demanda Grafinette.
« Oh, quel joli nom ! » s’extasia en même temps Gratouille.
« Alors… vous savez tout ce que ces dessins signifient ? »
« Oui, mes amis, je le sais. »
Le vieil homme marqua une pause, le temps d’un soupir ému passé inaperçu.
« Il raconte votre histoire… notre histoire ! »
Grafinette s’assit, les pattes l’une dans l’autre, devant le Père Noël, attendant la suite, les oreilles poilues grandes ouvertes.
Gratouille, quant à lui, se gratta le flanc gauche avec ses bois — ça ne pouvait plus attendre — puis reprit sa posture, droit comme un piquet givré, attentif au récit à venir.
« Il y a fort, fort longtemps, vous, les groumpfs, peupliez déjà le Pôle Nord. Vous étiez, comme diraient les humains, des créatures “sauvages”. C’est-à-dire que vous viviez entre vous, loin des hommes. »
« Un jour, une dame vint vous demander de l’aide. »
« La silhouette encapuchonnée dans la grotte, c’est elle ? » ne put s’empêcher de demander Gratouille.
« En effet. Il s’agit de la Fée des Monts Blancs…
Elle est venue vous voir pour que vous m’aidiez à apporter aux humains de la magie, de la tendresse et une part d’enfance éternelle. Car la magie de Noël touche tout le monde, petits et grands. »
« Attendez, attendez, attendez ! » l’interrompit Grafinette en fronçant les sourcils.
« Le barbu de la grotte… c’est vous ? » demanda-t-elle, les yeux ronds comme deux boules de neige bien formées.
Le vieil homme éclata d’un rire joyeux et pétillant comme des bulles de savon. Son bonnet rouge et blanc faillit tomber de sa tête.
« Eh oui, quand j’étais jeune, et peut-être un peu moins enrobé que maintenant, j’avais déjà ma barbe… brune, bien entendu, à l’époque. »
« C’est donc la Fée qui a convaincu les groumpfs de venir vous aider ? Elle vous connaissait comment, cette Fée ? » interrogea Gratouille, très intrigué.
Le Père Noël se racla la gorge.
« Ahem… Eh bien, c’était mon amie. »
Grafinette et Gratouille échangèrent un regard.
Ils décidèrent, par respect pour la vie privée du Père Noël, de changer de sujet. Enfin… presque.
Grafinette demanda, un peu gênée :
« Elle est où, maintenant, cette Fée ? »
« Jamais bien loin. Elle demeure au Pôle Nord. Mais, comme une biche prudente, elle ne se montre que bien rarement. En fait, il faut qu’elle le veuille : si elle ne l’a pas décidé, elle demeure cachée. »
« Et c’est à partir de ce moment-là qu’on s’est mis à travailler patte dans la main avec vous ? C’est bien ça ? » demanda Grafinette, souriante.
« Oui. »
« Quelle belle histoire ! » s’exclama Gratouille en tapant des sabots, tout joyeux et émerveillé.
« Oh oui ! » lui répondit la groumpfette. « Il faut aller la raconter aux autres ! Tu crois que Kraknor la connaît ? »
Gratouille rit.
« C’est bien possible ! Viens, on va lui demander ! »
Et les deux amis sortirent, laissant le Père Noël perdu dans ses pensées enneigées.
***
Ses pas crissèrent dans la neige toute fraîche.
La nuit était d’un noir d’encre.
Le froid, si saisissant, qu’il en avait la barbe givrée.
Il respirait fort, le cœur rempli d’une émotion vive. C’était toujours ainsi, à chaque fois.
Il se dirigea vers un arbre entièrement recouvert de glace.
Lointain souvenir du temps où le Pôle Nord n’était pas encore le Pôle Nord.
Cet arbre brillait dans la nuit noire : il était majestueux, il était sacré.
Il était… leur repère.
Puis, sans qu’il l’entende, sans qu’il ne la voie, il la sentit.
Elle était là.
« Bonsoir, ma douce amie… »
FIN.


Droits d'auteur et illustrations : Natacha Rossignol
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